Trois actions glorieuses de l’armée française pendant la Seconde Guerre mondiale (2/3)
Nous ne tenons pas Bir-Hakeim pour Austerlitz. Mais Bir-Hakeim, comme le premier combat de Jeanne d’Arc à Orléans, a été la preuve que la France n’était pas morte.
André Malraux, cité par Le Monde, 12 juin 1982
Koenig contre Rommel
Pendant cet article, nous évoquerons les « FFL » de De Gaulle qui combattirent à Bir Hakeim.
Dans l’article précédent, nous rappelions le courage des cadets de Saumur le 18 juin 1940. Un dernier article abordera un coup d’éclat de la résistance jurassienne, le 11 novembre 1943.
L’armée est défaite, les soldats fuient en masse : la France militaire est à l’agonie en 1940. C’est à partir de cette date que des siècles de gloire vont être lentement mis de côté. Nos anciens alliés anglais nous regardent avec stupeur ; nos ex-futurs-ex alliés étasuniens nous regardent avec mépris. Ceux-ci envisagent de créer un protectorat militaire en France si les nazis sont battus.
Et pourtant, dès 1942, l’armée française libre du général de Gaulle va nous sauver la mise.
Bir Hakeim va lancer, et symboliser, un « redorage du blason » français.
Création de la France libre
18 juin 1940. Un général français, réfugié en Angleterre, s’essaie à l’art radiophonique. Aucun français, ou presque, n’entend le message. Sur le territoire national, beaucoup cherchent un sauveur dans la moustache d’un vieux maréchal qui n’a pas su prendre sa retraite à temps. Beaucoup vont collaborer avec les nazis et participer à leurs horreurs. Pour Churchill et surtout Roosevelt, la France n’est plus ce qu’elle était et lorsque les États-Unis entreront en guerre, la France sera jugée avec circonspection.
Pourtant, à la fin de l’histoire, ce sont les idées du « vieux Charles » qui ont triomphé. Grâce à son travail acharné, il réussit à incarner la nation française. À travers lui, les actions de la Résistance furent « comptabilisées » comme acte de guerre contre l’ennemi nazi. Lors de la libération de Paris en août 1944, De Gaulle a tout fait pour que la ville soit libérée par la division blindée du général français Leclerc (bien aidé par les Espagnols). Il peut ainsi fanfaronner dedans la foule de l’hôtel de ville :
Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré ! libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle.
Comment ce cher général a-t-il pu faire oublier la collaboration du « régime de Vichy » aux alliés ? Eh bien… L’honneur de la France a connu sa renaissance en Afrique !
La guerre africaine des FFL
Libye italienne, mai 1942. Alors que les territoires français au Maghreb sont (encore) sous le contrôle de Vichy (et donc d’Hitler) et que la Libye est une colonie Italienne depuis 1911, l’Égypte britannique a du souci à se faire. En effet, une grande offensive est lancée en 1942 par les nazis pour parvenir à contrôler le canal de Suez (Egypte). Face aux chars de l’Afrikakorps du tristement célèbre général Rommel, les Britanniques semblent proches de la défaite. Pourtant, la réapparition d’un génie (disparu à Sedan, deux ans plus tôt), va leur être du plus grand secours.
Ce génie a un nom : c’est la 1ère division française libre. Extrêmement métissée, cette unité française s’est formée au gré de ralliements successifs à la cause du général de Gaulle, dont beaucoup viennent d’Afrique. Ainsi, dès 1941, des français « libres » sont au combat et alimentent les effectifs britanniques, par exemple en Syrie. En mai 42, les Britanniques tentent d’assurer la défense de Tobrouk contre l’armée italo-germanique dirigée par Rommel ; et nos chers français sont envoyés au sud de la ville, en plein désert, à Bir-Hakeim.
Alors que les Britanniques sont certains d’une attaque frontale de l’armée fasciste sur Tobrouk, l’État-major ennemi décide d’une attaque massive par le Sud : un piège semble se refermer sur nos alliés rosbifs. En première ligne de cette offensive, nos quelques 3 700 français (avec de nombreux légionnaires) vont subir l’attaque de près de 37 000 italo-allemands. La bataille semble perdue d’avance… et pourtant, le commandant français, le général Koenig, semblera béni des dieux.
L’attaque germano-italienne contre Bir Hakeim
Le 27 mai au matin, une division blindée italienne attaque la position de Bir Hakeim. La résistance française est acharnée et les Italiens sont mis en échec jusqu’au 1er juin. Du côté britannique, les pertes sont nombreuses et Rommel doit désormais s’occuper personnellement de la position française rebelle. Les chars allemands fondent sur Bir Hakeim, avec le support des stukas, qui effectuent de nombreuses sorties contre la position française. Le 3 juin, Rommel demande aux assiégés de se rendre dans un message écrit de sa main.
C’est avec ses canons que le général Koenig répond aux Allemands. Après 3 journées de canonnades, les nazis lancent un assaut massif le 6 juin avec l’appui de vétérans du front russe. La résistance française est héroïque : lorsque les blockhaus sont pleins, les soldats français creusent des trous dans le sol où ils s’enterrent. La faim et la soif se font de plus en plus ressentir. Certains légionnaires blessés arrivent tout de même à détruire des blindés nazis. Chaque heure de résistance française est un bol d’air frais pour les troupes britanniques en plein repli.
Le 10 juin à 17h, l’ordre d’évacuation arrive enfin à Bir Hakeim. Les munitions manquent cruellement mais les français vont devoir tenir une journée supplémentaire alors qu’un secteur de la ville est de nouveau attaqué et que les stukas continuent d’harceler nos hommes terrés. Pendant la nuit suivante, l’évacuation est lancée vers le Sud-Ouest. Trois lignes de défense italo-germaniques sont renversées les unes après les autres par la furia française dont certains restèrent à jamais sur le carreau.
Dénouement de la bataille de Bir Hakeim
Le matin suivant, Rommel lance une nouvelle offensive mais cette fois-ci contre un camp vide. Pendant toute la résistance française, près de 1 400 sorties aériennes ont été effectuées contre Bir Hakeim, épuisant les réserves de carburants de la Luftwaffe. Le rapport de Rommel est édifiant :
Une fois de plus, la preuve était faite qu’un chef français, décidé à ne pas jeter le fusil après la mire à la première occasion, peut réaliser des miracles, même si la situation est apparemment désespérée.
Bien que nos petits français n’aient pas gagné la guerre au printemps 1942, leur action d’éclat résonne dans le monde entier et même leurs ennemis vont louer le courage des Français [1]. Charles de Gaulle a bien compris que l’avenir de la France se joue à Bir Hakeim, en plein combat, il écrit au général Kœnig :
Sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil.
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Notes :
[1] Hitler lui-même a tenu un discours pour rappeler qu’il classait l’armée française en deuxième position des meilleures armées du monde (derrière qui à votre avis ???). Mussolini donnera des consignes pour alimenter en eau les prisonniers français assoiffés ; Rommel fera de même en demandant à ses troupes de les alimenter autant que leurs propres troupes !