War No. 81-Q (Guerre No 81-Q) est la première nouvelle publiée de Cordwainer Smith (pseudonyme de Paul Myron Anthony Linebarger). Elle paraît en juin 1928 dans le premier numéro de The Adjutant, journal lycéen, soit sous le pseudonyme aux sonorités germaniques, “Karloman Jungahr” (référence au roi franc Carloman ?), soit sous celui d’Anthony Bearden. Le futur Cordwainer Smith, qui par la suite se fera un nom dans la science-fiction grâce à son cycle The Instrumentality of Mankind (Les Seigneurs de l’Instrumentalité) n’a pas encore quinze ans ! Je vous propose donc ci-dessous une traduction de la nouvelle, suivie d’un bref commentaire et du texte en anglais (États-Unis).
Guerre No 81-Q
Cela déboucha sur la guerre.
Le Tibet et l’Amérique, chacun revendiquant le Monopole du Feu Irradiant, demandèrent un Permis de Guerre pour 2127, apr. J.-C.
La Commission de Guerre Universelle l’accorda, en en précisant, bien sûr, les conditions. Après que quelques compromis et amendements eurent été effectués, il fut accepté par les nations belligérantes.
Les conditions étaient les suivantes :
a. Cinq aéronefs de 22,000 t, combinaisons de l’aéroplane et du dirigeable, seraient les seules unités combattantes.
b. Ils seraient armés de mitrailleuses, chargées uniquement de balles non explosives.
c. Le Territoire de Guerre de Kerguelen serait loué par les deux nations, soit les Nations Unies d’Amérique et l’Alliance mongolienne, pour la durée des deux heures de la guerre, qui commencerait le 5 janvier 2127, à midi.
d. La nation vaincue paierait toutes les dépenses dues à la guerre, à l’exception du coût de la location du Territoire de Guerre.
e. Aucun être humain ne serait présent sur le champ de bataille. Les contrôleurs mongoliens devraient se trouver à Lhassa ; ceux d’Amérique, dans la Ville de Franklin.
Les nations belligérantes n’eurent aucun difficulté à louer le Territoire de Guerre de Kerguelen. Le coût de la location facturé par la Ligue Australe était, comme d’habitude, de quarante millions de dollars l’heure.
Des spectateurs du monde entier se ruèrent aux frontières du Territoire, avides d’obtenir de bonnes places. La demande de télescopes Q-ray explosa.
Des mécaniciens travaillèrent soigneusement sur les gigantesques machines de guerre.
Les radiocommandes, délicates comme des horloges, furent portées à leur perfection, aussi bien dans les stations de contrôle à Lhasa que dans celle de la Ville de Franklin, et que dans les aéronefs.
Les avions arrivèrent à la minute précise qui avait été décidée.
Contrôlés par leurs pilotes, situés à des milliers de kilomètres de distance, les grands avions descendirent en piqué puis infléchirent leur course, aucune des flottes n’osant initier l’engagement.
Il y avait cinq appareils américains, le Prospero, l’Ariel, l’Oberon, le Caliban et le Titania, et cinq appareils chinois, loués par les Mongoliens, le Han, le Yuen, le Tsing, le Tsin, et le Sung.
La flotte mongolienne encourut le déplaisir des spectateurs en lançant un fumigène, ce qui interférait considérablement avec la visibilité. Le Prospero, pulsant de tous ses canons, se précipita dans l’écran de fumée et en ressortit, hors de contrôle, dans des frémissements de machinerie désordonnée. Comme il approchait de la frontière, son pilote, sain et sauf à des milliers de kilomètres de là, le fit exploser. Mais le sacrifice ne fut pas vain. Le Han et le Sung, tous les deux sévèrement endommagés, oscillèrent doucement hors de la brume. Le Han, dont l’inclinaison montrait clairement qu’il était condamné, fut touché par un tir chanceux du Caliban et chuta de plusieurs centaines de mètres, son aile gauche en flammes. Mais, l’espace d’une ou deux secondes, le pilote reprit le contrôle et, d’un seul tir, endommagea irrémédiablement le Caliban, puis, enfin, le Han s’anéantit sur les îles rocheuses au-dessous.
Le Caliban et le Sung continuèrent de dériver tout en se tirant dessus. Aussitôt qu’il fut évident qu’aucun des deux n’auraient plus d’utilité dans les combats, ils furent d’un commun accord retirés du champ de bataille.
Il restait à présent trois vaisseaux de chaque côté, se jetant dans l’écran de fumée ou s’en échappant, prenant parfois de la hauteur pour refroidir les moteurs.
Parmi les spectateurs, l’excitation était à son comble, car l’annonce était venue de la Ville de Franklin que Jack Bearden, un nouveau pilote quasiment inconnu, s’apprêtait à prendre les commandes de trois aéronefs à la fois ! Or jamais auparavant un pilote n’avait commandé, par radio, plus que deux vaisseaux ! Par ailleurs, deux des as mongoliens les plus célèbres, Baartek et Soong, étaient engagés sur le champ de bataille, tandis qu’un individu encore plus fameux, le mercenaire chinois T’ang, commandait le Yuen.
Les Américains dans l’assistance protestèrent contre le fait qu’un pilote si jeune et inexpérimenté pût être autorisé à mettre en danger les vaisseaux.
Le Gouvernement répliqua qu’il accordait son entière confiance aux capacités de Bearden.
Mais quand le jeune pilote s’avança devant l’écran de télévision, sur lequel était projeté la bataille, et le méandre des commandes, il s’aperçut que son talent avait été surestimé, par lui-même et par n’importe qui d’autre.
Il se hissa sur le haut tabouret et tendit les mains vers les leviers de contrôle de la vitesse, qui étaient situés directement derrière lui. Il s’inclina en arrière, et tomba ! Sa tête heurta deux boutons : et il vit l’Oberon et le Titania s’autodétruisirent.
Les trois vaisseaux ennemis coopérèrent pour une attaque contre l’Ariel. Bearden fit pivoter son aéronef et l’enfonça dans l’écran de fumée.
Il aperçut la masse énorme du Tsing qui s’abattait sur lui. Il fit feu instinctivement — et toucha le poste de commande.
Tandis qu’il esquivait d’un écart le Tsing, qui disparut derrière lui, il manqua le Tsin de quelques centimètres. Le pilote du Tsin tira sur les longerons de l’aile droite de l’Ariel, la rendant instable.
Pendant quelques instants, il fut seul, ou, plutôt, l’Ariel fut seul. Car lui se trouvait devant le panneau de contrôle du Bâtiment de la Guerre, dans la Ville de Franklin.
Le Yuen, contrôlé par le maître-pilote T’ang, apparut sous lui et, dans sa montée, anéantit l’extrémité de son aile gauche, et s’évanouit dans les pans de brume de l’écran de fumée avant que Bearden, stupéfait, fût capable de placer un seul tir.
Il eut plus de chance avec le Tsin. Quand celui-ci fondit sur l’Ariel, il réduisit à néant ses commandes de tir. Puis, quand l’avion remonta par en dessous, dans le but de percuter l’Ariel, Bearden lança par-dessus bord la moitié de ses mitrailleuses. Elles heurtèrent le Tsin, qui explosa sur-le-champ.
Maintenant, il ne restait plus que l’Ariel et le Yuen ! Un maître-pilote affrontait un maître-pilote.
Bearden toucha par chance la gouverne du Yuen, mais ne parvint que partiellement à l’endommager.
Yuen lança plus de bombes fumigènes.
Bearden monta tout droit ; non, lui était toujours sain et sauf en Amérique, mais l’Ariel montait tout droit.
Dans leurs hélicoptères, les spectateurs donnèrent des coups de sifflet, tirèrent des coups de pistolet, entrèrent en une frénésie d’applaudissements.
T’ang abaissa le Yuen à une distance de plusieurs kilomètres au-dessus de l’eau.
Lui aussi recevait des applaudissements.
Bearden inspecta son vaisseau au moyen de l’autotélévisée. Il tomberait en morceaux au moindre incident.
Il fit virer son aéronef vers la droite, opération préalable à sa descente.
Son aile gauche se brisa sous l’effet de la tension : et l’Ariel se mit à dégringoler. Il reporta son autotélévisée sur le Yuen, n’ayant pas le courage de voir s’écraser le vaisseau qui portait à son bord sa réputation et son avenir.
Le Yuen fut heurté par son aile gauche, qui tombait comme une pierre. Le Yuen explosa quarante-six secondes plus tard.
Et ainsi, en accord avec la loi internationale, Bearden avait remporté la guerre pour l’Amérique, et avec elle les honneurs de la guerre et la possession des revenus du Feu Irradiant.
Le monde entier acclama ce Lindbergh du vingt-deuxième siècle.
Notes et commentaire
En bon texte de science-fiction, Guerre No 81-Q repose sur un lexique spécifique qui oscille entre familiarité et étrangeté pour donner, en l’occurrence, une impression de guerre futuriste. Cela ouvre le champ des possibles de la traduction, et contribue à sa difficulté.
On peut ainsi évoquer « Radiant Heat Monopoly », rendu ici par « Monopole du Feu Irradiant », qui a le défaut sans doute de renvoyer à un imaginaire anachronique du nucléaire. Smith a peut-être surtout en tête le rayonnement thermique et les chauffages radiants (« radiant heating »), et après tout le premier radiateur électrique date de 1912 ! Il est clair, en tout cas, que Smith aborde ici l’enjeu du contrôle de l’énergie.
On peut par ailleurs relever avec amusement que le nom du protagoniste, Jack Bearden, est une référence au nom de jeune fille de la mère de Smith (Lillian Bearden), et que Smith utilise le pseudonyme Anthony Bearden pour écrire de la poésie !
Plus complexe, la question des appareils utilisés : Smith mentionne des « aero-ships, combinations of aero and dirigible », formule ambiguë, d’autant qu’il utilise ensuite aussi bien « ships » que « planes », répétant fréquemment les termes, ce qui je rends tant bien que mal par « vaisseaux », « aéronefs », et autres « avions ». C’est en quelque sorte l’imaginaire de la Première Guerre mondiale qui est convoqué, avec ses Zeppelins bombardiers et ses Royal Aircraft Factory F.E.2 équipés d’une mitrailleuse Lewis.
Autre cas spécifique, celui de l' »autotelevisation », ou autotélévisée, Smith semblant avoir en tête les ondes radios pour anticiper un système de guidage à distance qui, de nos jours, évoquera les drones, évidemment beaucoup plus petits et moins spectaculaires que des vaisseaux de plusieurs milliers de tonnes. Reste que le jeune Linebarger a déjà l’idée de la guerre-spectacle, encore trop incarnée (les gens se déplacent pour assister aux combats !), mais l’idée d’Américains (et autres) commentant la guerre comme un match sportif, et tirant des coups de feu par enthousiasme, n’a pas vieilli, bien au contraire.
Pour finir, relevons les références à La Tempête et au Songe d’une nuit d’été, comédies de Shakespeare qui donnent leurs noms aux vaisseaux américains : Prospero est le magicien de La Tempête, Ariel est l’esprit magique au service de Prospero, Caliban est un personnage monstrueux contraint à la servitude par Prospero, Oberon est le roi des fées dans Songe d’une nuit d’été alors que Titania est leur reine. On pourra noter que c’est Ariel, le personnage le plus extraordinaire, qui prête son nom au vaisseau vainqueur du lointain Bearden, magicien à sa façon. L’ordre des vainqueurs et des vaincus peut d’ailleurs se prêter à toutes sortes de remarques…
Pour ce qui est des vaisseaux chinois, loués par les Mongoliens (la Chine, anticipée comme pays producteur et mercenaire !) : Han fait vraisemblablement référence à la dynastie impériale du même nom, associée à une ère longue et glorieuse de la Chine ; Yuen est une variation possible de Yuan, qui permet énormément d’interprétations : on avancera dans le contexte la référence à la dynastie mongole Yuan, fondée selon la tradition par Kubilai Khan ; Tsing pourrait être la variation de Qing, autre dynastie impériale, celle qui s’éteignit en 1912 avec la révolution ; Tsin peut être une variation de Qin ou Jin, autre dynastie ; et le Sung renvoie probablement à la dynastie Song. En somme, Smith applique son histoire chinoise, mais laisse au Yuen, vaisseau qui fait le lien entre la Chine et la Mongolie, le mérite d’être le dernier à tomber… tout en étant contrôlé par T’ang, qui rappelle à son tour la dynastie Tang !
Quant aux autres noms : Baartek est assez mystérieux, peut-être une référence au « bagatur » qui est un guerrier remarquable dans le contexte de l’empire mongol ; Soong, ou Song, est une dynastie chinoise soumise par Gengis Khan.
Kerguelen existe ! Les îles Kerguelen, ou « îles de la Désolation » sont un archipel actuellement français, au sud de l’océan Indien. Ces îles font partie des Terres australes et antarctiques françaises : c’est le mot « australes » qui permet de faire le lien avec « Austral League » et autorise à y voir une indication géographique, même large. « City of Franklin », tout en ancrant la ville aux États-Unis, est assez vague : du moins n’est-ce pas une ville majeure, comme on aurait pu s’y attendre dans ce contexte, ce qui contribue à fantasmer ce nouvel ordre du monde où un Universal War Board tient lieu de Société des Nations, l’organisation qui a précédé l’ONU et autorisait (plutôt moins que plus) à rêver d’un avenir de guerres sous contrôle.
Dernière remarque : Lindbergh, en 1928, est incontestablement l’aviateur héroïque qui vient de faire en solitaire le trajet en avion entre New York et Paris, rendant le monde plus petit, les 20 et 21 mai 1927. Sa réputation est alors au sommet, aboutissant à un « Lindbergh Boom » qui pousse des entreprises à investir dans l’aviation et les Américains à devenir pilotes, ou passagers ! La crise de 1929 brise ensuite ces enthousiasmes, et la renommée de Lindbergh est désormais noircie à cause de son ambiguïté vis-à-vis du nazisme et de ses sorties racistes.
Contexte
La nouvelle War No. 81-Q, telle que publiée en 1928, n’est pas la version réécrite plus tard par Smith et publiée sous le même titre : celle-ci est publiée en 1993, de façon posthume, dans le recueil The Rediscovery of Man: The Complete Short Science Fiction of Cordwainer Smith, et rattache donc War No. 81-Q au cycle The Instrumentality of Mankind.
Il semble que peu de choses soient connues sur le contexte de la publication de 1928. Le père du jeune Linebarger est juge aux Philippines et conseille le nationaliste chinois Sun Yat-sen, qui devient premier président de la république de Chine et aurait été le parrain de Cordwainer Smith (selon ce qu’affirme cet article). Ce dernier a une jeunesse mouvante, puisqu’il change fréquemment d’écoles et de pays, entre Asie, Europe et Amérique. La nouvelle aurait été écrite alors qu’il est scolarisé en Chine. Le titre de la revue où aurait été publié The Adjutant correspond à une fonction militaire américaine, celle d’un officier qui a des missions de soutien dans les ressources humaines.
Ces petits détails sont intrigants si l’on considère la suite de la vie de Smith, qui devient un universitaire spécialiste de l’Asie de l’Est, et un militaire spécialiste de la guerre psychologique, thèmes qui apparaissent déjà dans sa nouvelle de jeunesse.
War No. 81-Q
It came to war.
Tibet and America, each claiming the Radiant Heat Monopoly, applied for a War Permit for 2127, a.d.
The Universal War Board granted it, stating, of course, the conditions. It was, after a few compromises and amendments had been effected, accepted by the belligerent nations.
The conditions were:
a. Five 22,000-ton aero-ships, combinations of aero and dirigible, were to be the only combatants.
b. They were to be armed with machine-guns firing nonexplosive bullets only.
c. The War Territory of Kerguelen was to be rented by the two nations, the United American Nations and the Mongolian Alliance, for the two hours of the war, which was to begin on January 5, 2127, at noon.
d. The nation vanquished was to pay all the expenses of the war, excepting the War Territory Rent.
e. No human beings should be on the battlefield. The Mongolian controllers must be in Lhasa; the American ones, in the City of Franklin.
The belligerent nations had no difficulty in renting the War Territory of Kerguelen. The rent charged by the Austral League was, as usual, forty million dollars an hour.
Spectators from all over the world rushed to the borders of the Territory, eager to obtain good places. Q-ray telescopes came into tremendous demand.
Mechanics carefully worked over the giant war-machines.
The radio-controls, delicate as watches, were brought to perfection, both at the control stations in Lhasa and in the City of Franklin, and on the war-flyers.
The planes arrived on the minute decided.
Controlled by their pilots thousands of miles away, the great planes swooped and curved, neither fleet daring to make the first move.
There were five American ships, the Prospero, Ariel, Oberon, Caliban, and Titania, and five Chinese ships, rented by the Mongolians, the Han, Yuen, Tsing, Tsin, and Sung.
The Mongolian fleet incurred the displeasure of the spectators by casting a smoke screen, which greatly interfered with the seeing. The Prospero, every gun throbbing, hurled itself into the smoke screen and came out on the other side, out of control, quivering with incoordinating machinery. As it neared the boundary, it was blown up by its pilot, safe and sound, thousands of miles away. But the sacrifice was not in vain. The Han and Sung, both severely crippled, swung slowly out of the mist. The Han, with a list that clearly showed it was doomed, was struck by a lucky shot from the Caliban and fell several hundred feet, its left wing ablaze. But for a second or two, the pilot regained control, and, with a single shot, disabled the Caliban, and then the Han fell to its doom on the rocky islands below.
The Caliban and Sung continued to drift, firing at each other. As soon as it was seen that neither would be of any further use in the battle, they were, by common consent, taken from the field.
There now remained three ships on each side, darting in and out of the smoke screen, occasionally ascending to cool the engines.
Among the spectators, excitement prevailed, for it was announced from the City of Franklin that a new and virtually unknown pilot, Jack Bearden, was going to take command of three ships at once! And never before had one pilot commanded, by radio, more than two ships! Besides, two of the most famous Mongolian aces, Baartek and Soong, were on the field, while an even more famous person, the Chinese mercenary T’ang, commanded the Yuen.
The Americans among the spectators protested that a pilot so young and inexperienced should not be allowed to endanger the ships.
The Government replied that it had a thorough confidence in Bearden’s abilities.
But when the young pilot stepped before the television screen, on which was pictured the battle, and the maze of controls, he realized that his ability had been overestimated, by himself and by everyone else.
He climbed up on the high stool and reached for the speed control levers, which were directly behind him. He leaned back, and fell! His head struck against two buttons: and he saw the Oberon and Titania blow themselves up.
The three enemy ships cooperated in an attack on the Ariel. Bearden swung his ship around and rushed it into the smoke screen.
He saw the huge bulk of the Tsing bear down upon him. He fired instinctively—and hit the control center.
Dodging aside as the Tsing fell past him, he missed the Tsin by inches. The pilot of the Tsin shot at the reinforcements of the Ariel’s right wing, loosening it.
For a few moments, he was alone, or, rather, the Ariel was alone. For he was at the control board in the War Building in the City of Franklin.
The Yuen, controlled by the master-pilot T’ang, rose up from beneath him, shot off the end of his left wing, and vanished into the mists of the smoke screen before the astonished Bearden was able to register a single hit.
He had better luck with the Tsin. When this swooped down on the Ariel, he disabled its firing control. Then, when this plane rose from beneath, intending to ram itself into the Ariel, Bearden dropped half his machine-guns overboard. They struck the Tsin, which exploded immediately.
Now only the Ariel and the Yuen remained! Master-pilot faced master-pilot.
Bearden placed a lucky shot in the Yuen’s rudder, but only partially disabled it.
Yuen threw more smoke-screen bombs overboard.
Bearden rose upward; no, he was still safe and sound in America, but the Ariel rose upward.
The spectators in their helicopters blew whistles, shot off pistols, went mad in applause.
T’ang lowered the Yuen to within several hundred feet of the water.
He was applauded, too.
Bearden inspected his ship with the autotelevisation. It would collapse at the slightest strain.
He wheeled his ship to the right, preparatory to descending.
His left wing broke under the strain: and the Ariel began hurtling downward. He turned his autotelevisation on the Yuen, not daring to see the ship, which carried his reputation, his future, crash.
The Yuen was struck by his left wing, which was falling like a stone. The Yuen exploded forty-six seconds later.
And, by international law, Bearden had won the war for America, with it the honors of war and the possession of the enormous Radiant Heat revenue.
All the world hailed this Lindbergh of the twenty-second century.