Le « dogue noir de Brocéliande » alias Bertrand du Guesclin a formé un duo de choc avec le sage Charles V. Lorsque ce dernier devient roi en 1364, ce n’est pas un novice ! Il a le cuir tanné par une jeunesse pourrie où ses aïeux ont perdu de dures batailles contre l’ennemi anglais. Lorsque son père finit en prison (prisonnier pendant la bataille de Poitiers de 1356), il gouverne le royaume mais connaît une régence infernale où il manque d’abandonner son royaume à ses ennemis navarrais et anglais.
Bertrand du Guesclin est un Breton né en 1320 à Dinan. Ce petit homme à la figure ingrate a un destin hors du commun. Fils aîné d’une famille de petite noblesse bretonne, il est quasiment inconnu jusqu’en 1357 où il se distingue pendant l’interminable guerre de succession de Bretagne. Ayant choisi le camp français, il prête sa lance à la défense de la ville de Rennes : il est adoubé dans la foulée, pour honorer sa bravoure lors des combats. Sa devise est explicite : « le courage donne ce que la beauté refuse ».
La reconquête du royaume de France par Charles V et du Guesclin
C’est en 1364 que le destin va lier définitivement nos deux protagonistes si différents. Le roi de Navarre, Charles « le mauvais », n’a toujours pas digéré le fait de ne pas être devenu roi de France : il lance un siège de Paris pour faire plier le roi valois. C’était sans compter sur du Guesclin qui est envoyé à la rescousse : avec deux fois moins d’hommes, le génie breton réussit à défaire les défenses anglaises et remporte la bataille. Sacré roi trois jours plus tard, Charles V peut pousser un ouf de soulagement et profiter pleinement des messes des banquets en son honneur.
Un plan précis et financé
Au début du conflit, le peuple français n’est pas soudé face aux Anglais. Chaque français se sent beaucoup plus proche de sa région et se moque souvent du sort du roi valois. Petit à petit, un sentiment national va naître de décennies de destruction du royaume. « Fils d’Anglais » devient une insulte. Plus le conflit avance et plus les troupes anglaises vont voir de simples manants barricader leurs villages pour se défendre à tout prix.
Pour financer la longue guerre à venir, Charles V va s’appuyer sur la création d’un impôt permanent en 1363, le fouage. C’est parce que la guerre a tant détruit et tué que le roi parvient enfin à faire passer cet impôt permanent. Avant, les impôts royaux n’étaient établis que sur une courte période (souvent une année) et il fallait que le souverain justifie une nouvelle demande auprès de ses sujets : chaque province ou « bonne ville » avait l’habitude de négocier au maximum le prix des redevances (jamais entièrement payées !).
Pour mener à bien sa reconquête, Charles apprend des catastrophes du passé (Crécy, Poitiers). Dorénavant, il n’est plus question de tout jouer sur une bataille d’un jour, « à l’ancienne » : Cocherel est la seule grande bataille de son règne. C’en est fini du roi sur le champ de bataille à faire tournoyer sa hache (enfin, jusqu’à François Ier [2]). Charles V renie l’idéal chevaleresque, celui de ses ancêtres : pour recouvrer son royaume en entier, la fin justifie les moyens.
Le panache d’un chef, la discipline d’une armée
Charles V a su innover pour gagner la guerre d’usure contre les anglais : il va mettre en place une armée permanente ! Tous les souverains avaient l’habitude d’embaucher des soldats pendant les compagnes militaires et, lorsqu’une paix était signée, ils étaient immédiatement licenciés. Des milliers de mercenaires parcouraient ainsi les campagnes en les terrorisant. Charles V embauche des soldats à l’année, si bien que la guerre ne s’arrête jamais pour les Anglais… Même l’hiver, ils ont nos troupes sur dos, qui repartent à l’assaut des forteresses encore tenues par les Anglais.
Aussi, Charles V sait s’entourer de bons capitaines. L’exemple de du Guesclin est marquant. Après avoir défendu Rennes assiégée en 1357, ce dernier devient très vite la terreur des troupes anglaises après avoir combattu en Normandie. Victorieux à la bataille de Cocherel (16 mai 1364), le « dogue noir de Brocéliande » devient très vite l’un des chevaliers les plus réputés.
Après un séjour guerrier en Espagne, du Guesclin devient connétable de France en 1370. Pendant dix ans, le breton mène la reconquête du royaume qui est lente mais définitive. Les armées anglaises vont persévérer dans une stratégie perdante : de grandes chevauchées sont financées à prix d’or. Les paysans sont terrorisés, les campagnes sont brûlées, mais les soldats français s’enferment, avec quelques pincements au cœur, dans les places fortes tandis que du Guesclin mène un harcèlement perpétuel de leurs troupes sans jamais engager de vraie bataille.
Mille dangers pour le jeune successeur de Charles V
En 1380, le roi est très affaibli. Toute sa vie, il a fui les champs de bataille car sa constitution était fragile. À 42 ans, le Valois n’a pas chômé et il a bien rattrapé les errances de ses ancêtres… Ainsi, il a bien œuvré pour son fils Charles. Le Poitou, la Dordogne et bien d’autres territoires aquitains sont de retour dans le giron français : il ne reste qu’une petite Guyenne aux Anglais de Bordeaux à Bayonne, sans oublier Calais, et c’est tout.
Sur son lit de mort, le roi est pris de remords : son peuple mérite-il de subir le joug de l’impôt permanent ? Pour régler ses problèmes de conscience, il l’abolit (le fouage). Face au péril que pourrait rencontrer son fils mineur, Charles V avait tenté de l’entourer des meilleurs. Le roi adolescent va être entouré de ses trois oncles : Louis d’Anjou aurait la régence et Bourgogne et Berry auraient la régence des enfants.
Privées d’impôt, les caisses s’annoncent donc vides pour le nouveau roi Charles VI. Il est cependant sacré le 4 novembre 1380 à Reims, à l’âge de 12 ans. Encore un roi mineur ! Les puissants frères du roi mort ne vont pas être à la hauteur et ne vont chercher qu’à accaparer le pouvoir… Le pire pour la France sera la folie de Charles VI ! Dès 1392, le roi connait ses premières crises : elles vont durer jusqu’à sa mort en 1422, soit trente longues année où la France va revivre le cauchemar anglais…
Notes :
[1] En 1525, le jeune roi François Ier est fait prisonnier à Pavie. Ayant risqué sa vie dans la mêlée, il se hisse au niveau de Jean le Bon (1356) mais aussi de saint Louis ! Ce dernier avait été fait prisonnier par les Musulmans en 1250 pendant la 7ème croisade.
[2] Maître en politique de Manuel VALLS, Michel Rocard est connu, entre autres, pour être à l’origine du « tournant de la rigueur de 1983 ». Pour les profs en colère, c’est lui qu’il faut connaître car il a désindexé de l’inflation votre salaire. Ainsi, le pouvoir d’achat des professeurs est resté à quai depuis plus de 40 ans. Merci Michel !