guerre de sept ans histoire

Voici donc la suite de l’article consacré à la jeunesse de George Washington.
Nous étions restés en haleine après « l’affaire de Jumonville ». Le jeunot George Washington avait attaqué une mission diplomatique française avec l’appui de dizaines de miliciens et apparaissait pour la première fois dans l’Histoire, mais par une porte sanglante.

George Washington et la Guerre de Sept Ans, prémices d’une guerre mondiale ?

Ce « crime » anglais ne restera pas impuni. La milice coloniale américaine doit payer pour avoir visé un homme au drapeau blanc. De son côté, Washington nie tout en bloc, arguant le risque d’ « espionnage » de Jumonville (un espion plutôt médiocre, alors !).
Le 28 juin 1754, Louis Coulon de Villiers est envoyé pour châtier George le Virginien avec quelques 600 soldats français. À peine un mois après « l’affaire Jumonville », alors que l’Europe est ivre de paix, les Français d’Amérique vont mettre le doigt dans un engrenage qui les mènera à leur perte (car oui ça finit mal pour eux à la fin)…

guerre de sept ans histoire
Voici une reconstitution du glorieux fort Necessity, premier ouvrage militaire du génial Washington.

Retiré non loin de là avec ses troupes à Great Meadows, Washington est informé de la menace française : il tente d’organiser une défense en construisant un petit fortin : c’est le fort Necessity.
L’emplacement choisi par George est catastrophique « à cause de la plaine dans le milieu de laquelle était construit ce fort » selon les indigènes locaux. Cette « petite chose dans la prairie » de Great Meadows ne va pas soutenir très longtemps l’assaut des forces françaises venues en découdre.
Avant d’attaquer le fort, les troupes françaises passent à l’endroit où Jumonville a été assassiné pour enterrer les corps et célébrer une « prière générale ». Ce n’est que le 3 juillet, en fin de matinée, que les français arrivent au fort Necessity.

Un premier « 4 juillet » honteux

Une cinquante de Virginiens tentent une sortie suicidaire mais ils fuient, épouvantés par les cris de guerre des alliés indigènes français. Malgré une vive canonnade de leur part, les Britanniques sont vite démoralisés par le mauvais temps et les tirs de fusil français. Washington doit se rendre, après une longue lutte, épuisante à n’en pas douter, d’une journée [1].

4 juillet guerre de sept ans
Attaqué par des centaines de Français et leurs féroces alliés, l’héroïque colonel Washington va réussir à retourner la situation grâce à une tactique merveilleuse… Ah Ah Ah ! Pas du tout ! Il décide de se rendre dès la première nuit !

C’est donc un 4 juillet (future fête nationale américaine) que Washington et ses troupes quittent la tête basse le tout nouveau fort Necessity (qui ne leur manquera pas tant que ça).
George, inexpérimenté commandant, se voit contraint de signer un acte de capitulation en français, dont il ne comprend pas un traître mot. Sans le savoir, il pose son nom sur un document qui stipule que les Britanniques sont responsables de l’ « assassinat de Jumonville », validant la responsabilité anglaise dans l’éclatement d’une guerre mondiale…

La bataille de la « Mal-engueulée » (nom génial)

Un début de carrière militaire plutôt difficile pour George, qui n’était au départ qu’un descendant d’aristocrate britannique, ayant fait fortune dans les juteuses plantations américaines. Rappelons que l’esclavage était à l’époque très répandu, surtout dans les plantations.
Eh bien ! ce jeune Washington ne va pas être jeté aux ordures par ses supérieurs: il devient l’aide de camp du général britannique Edward Braddock, envoyé déloger les Français de la région de l’Ohio.
Suite à l’incident en Ohio, la guerre est en train d’éclater entre la France et le Royaume-Uni. Sans m’acharner contre « la perfide Albion », il faut noter que ce sont les Britanniques qui dépassent la ligne jaune en attaquant massivement des navires de guerre – mais aussi commerciaux – français. La guerre est donc déclarée de facto et Louis XV le pacifiste est mis devant le fait accompli.
Arrivé en février 1755 en Virginie, le général Braddock a pour objectif de prendre le fort Duquesne grâce à ses troupes irlandaises avec l’appui de miliciens coloniaux. Il faut bien sûr attendre le printemps car la guerre est quasiment impossible en hiver.
Le 29 mai, environ 2200 soldats se mettent en route vers le fort français avec un très lourd stock de munitions et de ravitaillements. Notre George est du voyage et sa malchance va contaminer l’armée toute entière.

bataille de la « Mal-engueulée 
Pendant la bataille, Washington sera au 1er rang pour assister à la défaite des siens et à la blessure mortelle du général Braddock (à terre en uniforme rouge).

Quarante-huit lieues à parcourir (soit environ 200 kilomètres), ce n’est pas la mer à boire mais en Amérique, tout est ralenti pour les Britanniques : leur habillement n’est pas du tout adapté au terrain montagneux des Appalaches et il faut constamment se méfier des attaques indigènes, encore massivement alliés aux Français en 1755.
Difficilement arrivés à une quinzaine de kilomètres du fort, l’importante armée britannique (à moitié asthmatique) va être foudroyée en plein vol alors qu’elle tente de traverser la rivière de la « Mal-engueulée » ou Monongahela.
Le 9 juillet, le commandant français Contrecœur tente une action désespérée : il envoie un détachement de 200 soldats qui doivent intercepter les Britanniques avant qu’ils ne mettent le siège devant le fort Duquesne. Cette action semble suicidaire mais elle se repose sur l’aide des indigènes : près de 600 hommes en plus ! [2]. Vers une heure de l’après-midi, l’attaque est lancée par l’officier Beaujeu qui crie « Vive le roi ! » mais meurt à la 3ème salve de l’ennemi. Tout semble perdu pour les Français…
Le capitaine Dumas prend le commandement et fait tourner le sort en la faveur des Français : il ordonne un repli stratégique des franco-indiens dans la forêt environnante.
L’idée est excellente : les troupes britanniques sont cernées et les Français tirent à couvert derrière les arbres, selon une technique de guerre tout à fait locale. Pendant quatre heures, l’avant-garde britannique est harcelée par un ennemi invisible qui tue plus de 600 « Red Coats ». Braddock sonne la retraite.

The « hero of Monongahela »

Renvoyés dans les cordes par à peine quelques centaines de franco-indiens, le général Braddock rentre penaud en Virginie malgré une retraite qui s’effectue en bon ordre, évitant la catastrophe.
Pendant cette manœuvre, le lieutenant-colonel Washington est remarqué pour son courage alors que, par trois fois, son cheval meurt en-dessous de lui. Les Britanniques vont même aller jusqu’à le surnommer le « hero of Monongahela », comme s’il avait gagné une bataille.
Mais George a assisté impuissant à la déroute de l’avant-garde britannique et a tout juste réussi à sauver sa peau. Drôle d’héroïsme.

George Washington histoire
L’homme qui a encore tout à accomplir pose déjà pour les paparazzis de l’époque…

Rentré en Virginie, Washington va écrire le récit de ses aventures, où il décrit l’ardeur de son courage face aux franco-canadiens. Ainsi, il obtient une première popularité en Grande-Bretagne, pour avoir œuvré à la défense des intérêts britanniques, lui qui deviendra l’une des grandes figures de l’anticolonialisme contre la couronne… Quelques vingt ans plus tard, George Washington sera à jamais un héros national américain.
En réalité, comme il faut rendre à César ce qui est à César, et à George ce qui est à George, le jeune milicien de Virginie a entraîné, involontairement, son pays dans une guerre contre la France, lorsqu’il laisse assassiner Jumonville en 1754.
À partir de quelques coups de canons dans l’Ohio, la grande « Guerre de Sept Ans » va ensanglanter le monde jusqu’en 1763. Présent aujourd’hui sur les milliards de billets de 1 dollar, Washington fait partie des personnages historiques extrêmement célèbres qui connurent une jeunesse difficile ou peu glorieuse comme Louis XIV ou le bon roi Saint Louis.

Peu d’hommes ont la vertu de résister aux plus offrants

G. WASHINGTON (1779)

Notes :
[1] Dans une lettre adressée à son frère, Washington va démontrer toute sa science du terrain. Il y avoue trouver « quelque chose de charmant dans le bruit des balles ». Même à l’époque, la phrase choque et montre le manque total de recul vis-à-vis des horreurs de la guerre. C’est comme si, dans notre triste époque, on avouait un faible pour les manifestations où les balles de « flashball » sifflent aux oreilles et que l’on trouvait de la poésie dans les trajectoires obliques de grenades de défense (d’ailleurs, sur la crise actuelle, penchons-nous plutôt sur un autre George, Orwell !)
[2] Les armées franco-canadiennes souffrent d’un mal qui semble impossible à résoudre : le sous-effectif. En effet, les colonies anglaises sont vingt fois plus peuplées que l’Amérique française ! Pendant des décennies, leurs victoires militaires étaient basées sur l’appui d’indigènes alliés. Lorsque Québec tombe en septembre 1759, les Canadiens ont été abandonnés par leurs précieux alliés, rendant l’écart numérique impossible à résorber.