« Hope » is the thing with feathers – traduction
« Hope » is the thing with feathers (on trouve les traductions « L’espoir porte un costume de plumes », « L’espoir est la créature avec des ailes », « L' »Espoir » est la chose emplumée »… parmi d’autres) est le titre donné à un poème d’Emily Dickinson, d’après le premier vers. Il est publié de façon posthume en 1891, dans une sélection de ses œuvres intitulée Poems. Il semble qu’il ait été écrit en 1861 ou 1862, année où Dickinson est particulièrement productive. J’en propose ci-dessous trois traductions personnelles, suivie d’une traduction de Françoise Delphy, et de quelques commentaires et pistes d’analyse.
« Hope » is the thing with feathers — That perches in the soul — And sings the tune without the words — And never stops — at all — And sweetest — in the Gale — is heard — And sore must be the storm — That could abash the little Bird That kept so many warm — I’ve heard it in the chillest land — And on the strangest Sea — Yet — never — in Extremity, It asked a crumb — of me. | L' »Espoir » est la chose à plumes — Qui se juche dans l’âme — Et chante l’air sans les paroles — Et jamais ne cesse — du tout — Et la plus douce — dans la Bourrasque — s’entend — Et qu’elle serait terrible la tempête — Qui pourrait mortifier le petit Oiseau Qui en a tant gardé au chaud — Je l’ai entendu dans le pays le plus glacial — Et sur la Mer la plus étrange — Mais — jamais — à la dernière Extrémité, Elle n’a requis la moindre miette — de moi. |
« Espoir » est la chose à plumes — Qui se tient perchée dans l’âme — Et entonne l’air sans les paroles — Et ne s’arrête jamais — pas du tout — Et des plus douces — dans la Tourmente — est entendue — Et qu’elle doit être pénible la tempête — Qui affligerait le petit Oiseau Qui en a tant réchauffé — Je l’ai ouï dans le pays le plus froid — Et sur la plus étrange Mer — Pourtant — jamais — jusqu’à la dernière Extrémité, N’a-t-il requis même une miette — de ma personne. | L' »Espoir » est cette chose ornée de plumes — Perchée dans l’âme — Qui chante une mélodie sans paroles — Et ne cesse jamais — jamais — Et qu’il est doux — au cœur de la Tempête — de l’entendre — Et bien cruel serait l’orage — Qui tourmenterait le petit Oiseau Qui a tenu chaud à tant de monde — Je l’ai entendu dans le pays le plus glacial — Et sur la Mer la plus étrange — Mais — jamais — à la dernière Extrémité, Il n’a demandé ne fût-ce qu’une miette — pas à moi. |
Ajoutons la traduction de Françoise Delphy dans Emily Dickinson Poésies complètes [The Poems of Emily Dickinson] publié en 2020 aux éditions Flammarion :
L' »Espoir » est la chose emplumée —
Qui perche dans l’âme —
Et chante la mélodie sans les paroles —
Et ne s’arrête — jamais —
C’est dans la Tempête — que son chant est — le plus suave —
Et bien mauvais serait l’orage —
Qui pourrait intimider le petit Oiseau
Qui a réchauffé tant de gens —
Je l’ai entendu dans les contrées les plus glaciales —
Et sur les Mers les plus insolites —
Pourtant jamais même dans la pire Extrémité,
Il ne m’a demandé — une miette.
Contexte d’écriture et de publication
Le poème fait partie de ceux publiés par Mabel Loomis Todd et Thomas Wentworth Higginson en 1891 dans l’anthologie Poems by Emily Dickinson, second series, publiée par les éditions Roberts Brothers de Boston. Loomis et Higginson avaient tendance à « corriger » le texte de Dickinson, supprimant par exemple les tirets d’incise.
Le poème se trouvait dans les papiers de la poétesse retrouvés après sa mort. En particulier, il fait partie dudit livret (« fascicle ») 13, où il est écrit directement de la main de Dickinson en 1861 (année la plus probable selon le spécialiste R. W. Franklin). Ce livret est décrit comme ayant des feuilles cousues, de couleur crème, comprenant des lignes bleues, ainsi qu’une sorte de cadre en relief constitué d’une tête de reine au-dessus de la lettre « L ». Le manuscrit est conservé à la bibliothèque Houghton de l’université de Harvard.
Éléments d’analyse
Dickinson utilise l’iambe (pied composé d’une syllabe brève suivie d’une longue), le poème étant structuré en trois strophes, des quatrains, dont les vers alternent entre tétramètres iambiques et trimètres iambiques. Le poème est peut-être influencé par les hymnes religieux, Dickinson allant régulièrement à l’église dans sa jeunesse.
La poétesse utilise la métaphore de l’espoir représenté par un oiseau, constant quelque soient les épreuves (symbolisées ici par la mer, la tempête), les motifs de la nature et de l’oiseau étant récurrents dans la poésie de Dickinson. Les majuscules pour « Espoir », « Oiseau », « Extrémité »… qui peuvent leur conférer une dimension allégorique. La vie de l’âme s’oppose ainsi à un extérieur hostile, dans une lutte métaphysique qui s’achève résolument sur une note de réconfort.
Les tirets sont un autre élément marquant du poème : ils finissent neuf des douze vers, fonctionnant comme des pauses (césures, coupes) qui instaurent un rythme haché, suspendu.
L’universitaire Victoria N. Morgan, dans son Emily Dickinson and Hymnal Culture: Tradition and Experience (Farnham, England: Ashgate, 2010), conçoit la relation de Dickinson au christianisme de son époque comme « antagoniste », la poétesse reformulant à sa façon un espoir spirituel associé à l’image de l’oiseau, qui rappelle par exemple la colombe chrétienne.
En complément
Le poème a été notamment mis en musique par la compositrice Susan LaBarr, pour chœur et piano. On pourra ainsi écouter une interprétation de 2015, par le chœur d’enfants de l’université de l’état de Michigan.
On pourra lire également sur le site plusieurs traductions du poème d’Emily Dickinson : « Water, is taught by thirst« .