Louis XIV Fronde

Inspiré par ce thème des jeunesses royales – et après avoir étudié celle de Saint-Louis – j’ai décidé de remettre le bleu (capétien ?) de chauffe ! En effet, on pourrait tout simplement croire à la coïncidence mais il n’en est rien : parmi les plus grands rois de France – et il faudrait confirmer cela avec les rois étrangers – beaucoup eurent des jeunesses difficiles où il fut question de leur couper l’herbe sous le pied ! Bien avant qu’ils ne deviennent célèbre…
Après avoir parlé d’un roi – appelé Louis – qui entre dans la légende en imposant une formule le désignant particulièrement « Saint Louis » ; j’étais obligé de parler du « Roi-Soleil » ! Louis XIV a réussi l’exploit de dépasser l’aura de son aïeul canonisé mais dans un registre moins christique (quoique…). Tout comme Louis IX, Louis XIV a su marquer son époque : le XVIIème siècle européen est le siècle du Roi-Soleil.

Louis XIV Fronde
Voici le tableau officiel du roi Louis XIV (il le remplaçait pendant son absence!). Il date de la fin de règne du roi (on peut le voir sur son visage) mais ses jambes sont celles de sa jeunesse (mieux que photoshop !)

Louis XIV, la Fronde et ses conséquences

Cependant, lui aussi a eu ses moments de faiblesse – et je ne parle pas des orgies à Versailles [1] – comme son lointain ancêtre canonisé. Alors que Saint Louis au XIIIème siècle était apparu comme vacillant au début de son règne, Louis XIV connut pire en affrontant une véritable guerre civile qui a duré plus de 5 ans (1648-1653). Encore une fois, il fallut une femme forte – comme la reine-mère Anne d’Autriche – et des conseillers avisés – comme Mazarin – pour venir à bout des mutins…
Louis XIV personnifie donc, peut-être davantage que Louis IX, ce paradoxe entre fragilité juvénile et puissance incontestée à l’âge adulte. Contrairement à Saint Louis, peu connu, je m’attaque ici à un monument de l’Histoire française, qui inspira des peuples très éloignés de notre cher hexagone. Inutile de mentionner le faible des Japonais pour le château de Versailles ; inutile de décrire la boulimie des Étasuniens pour notre Histoire… Quitte à s’accaparer une Histoire qui semble quelque peu nous lasser ici en France…

Louis XIV jeune
Les États-Unis en pleine appropriation culturelle avec L’Homme au masque de fer (cf les « Indiens d’Amérique » dont j’ai parlé dans un article précédent)

Pendant cet article, nous allons bien sûr commencer par faire un rappel (rapide) sur la période de la Fronde (1648-1653) pour ensuite décrire la montée en puissance du Roi-Soleil (en se concentrant sur 1661 : date charnière du règne). Aussi, nous ne serons pas à la recherche de l’exhaustivité (surtout avec les millions d’écrits qui portent sur notre cher Louis-Dieudonné [2]) mais nous tâcherons, par exemple, d’appréhender la construction de la ville de Versailles comme relevant d’une « revanche du destin » d’un jeune roi acculé à la fuite de Paris en 1649.

La Fronde est née au Parlement de Paris (1648)

Roi à 5 ans, Louis XIV collectionne les similarités avec son ancêtre canonisé. En effet, Sa mère, Anne d’Autriche, est désignée régente de 1643 – mort de Louis XIII, son mari – à 1651. Jusqu’à ses 23 ans, le pouvoir du jeune Louis XIV est très effacé : Mazarin gouverne. Pendant cette période de jeunesse, le jeune roi fut menacé directement par une révolte entre 1648 et 1653 : c’est la « Fronde » où Louis risque d’être privé de ses pouvoirs…

La révolte contre Louis XIV se fit en deux étapes :
– 1648-1649 : Fronde parlementaire
– 1650-1653 : Fronde des princes

Dès janvier 1648, le Parlement de Paris entre en résistance contre l’augmentation des taxes causés par la guerre. Pendant toute l’année, « ces bourgeois qui veulent gouverner l’Etat » (citation du grand Condé qui se révéla être une vraie girouette) tentent de faire plier Mazarin, qui est leur principal adversaire avec Anne d’Autriche. La situation s’envenimant, la régente ne supporte pas l’atmosphère étouffante de la capitale frondeuse : le 6 janvier 1649, à deux heures du matin, la famille royale quitte Paris pour se réfugier à Saint-Germain-en-Laye.

Mazarin Louis XIV Fronde
Les arrestations de parlementaires parisiens par Mazarin (courant-1648) n’ont pas mis fin au mouvement insurrectionnel…

Cette fuite où de nuit et dans le froid, Louis XIV est forcé de quitter sa propre capitale pour éviter la prison (peut-être la Bastille, prison royale), va profondément marquer son caractère et sa haine de la capitale parisienne. Cet épisode méconnu aurait pu devenir aussi célèbre que la fuite à Varennes de Louis XVI ! (si les Frondeurs avaient gagné). Cependant, sa mère va mener une action militaire de grande envergure pour les renverser : entre 8 000 et 10 000 soldats royaux vont faire le siège de la rebelle parisienne. Celui-ci va durer jusqu’en mars (soit trois mois de siège).

La France en pleine guerre civile (1649-1653)

Une paix fragile est signée entre la régente et les frondeurs, le 1er avril 1649 mais la Fronde vient en réalité à peine de commencer… En effet, une seconde Fronde va se lever contre les proches de Mazarin : celle-ci est menée par de grands nobles – dont le plus connu le prince de Condé – et va durer jusqu’en 1653 avec la capitulation définitive des Frondeurs.

Grand Condé Louis XIV Fronde
Le « Grand Condé » fait partie des personnages ultra complexes et intéressants qui sont « quelque peu » éclipsés de l’Histoire par un homme tel que Louis XIV [3].

Louis II de Bourbon dit le prince de Condé, est un « prince de sang » car cousin germain du roi. Avant la Fronde, il est considéré comme le meilleur général français et la régente lui a même confié l’armée de siège contre Paris en 1649. Cependant, celui-ci va tourner casaque, passe du côté des Frondeurs contre son cousin Louis XIV ! Cependant, il a face à lui Turenne, un autre grand général français, qui va finalement guider les armées royales d’Anne d’Autriche vers la victoire après des assauts répétés sur la capitale frondeuse. Suite à la fuite de Condé le 13 octobre 1652, la capitale se rend…
Le 21 octobre 1652, le roi Louis XIV fait son entrée triomphale à Paris. La Fronde est quasiment terminée même si la guerre s’est déroulée de la Lorraine jusqu’à Bordeaux où les armées royales triomphent définitivement le 3 août 1653. Le jeune Louis XIV va donc pouvoir vivre une adolescence tranquille entre théâtre, danse et autres amourettes. Aux commandes, Mazarin guide le pays jusqu’en 1661. Louis XIV va largement s’inspirer des enseignements de son principal ministre…

Prise de pouvoir personnel

Suite à la mort de Mazarin, le 9 mars 1661, Louis XIV réunit le conseil et déclare alors aux ministres :

Le cardinal de Mazarin est mort, Messieurs les Ministres, c’est à moi que vous vous adresserez désormais. Je veux à l’avenir gouverner moi-même mon royaume. Je ne veux point de Premier Ministre, je me servirai de ceux qui ont des charges pour agir sous moi selon leurs fonctions et, s’il arrive que j’aie besoin de vos conseils, je vous en demanderai. (le lien ici)

Il prend ensuite la décision d’évincer tous les grands nobles du conseil (dont sa propre mère et son frère !) et fait arrêter le surintendant des finances, Nicolas de Fouquet, alors qu’il est l’homme le plus puissant du conseil. Accusé de traitrise, Fouquet paie ainsi le faste de sa vie à Vaux-le-Vicomte. Louis XIV sera par ailleurs un précurseur en recyclage ! De grands artistes proches de Fouquet vont progressivement passer au service du Roi-Soleil comme le jardinier André Le Notre [4] ou le poète Jean de La Fontaine (après avoir tenté de défendre Fouquet).

Louis XIV Colbert absolutisme
Issu de la bourgeoisie, J-B Colbert va gouverner la France derrière le « Grand-Louis » entre 1661 et 1683. Bien que principal ministre, le roi ne lui donne jamais le titre de « surintendant » mais préfère le nommer « contrôleur général des finances ».

Le roi va faire la promotion d’hommes nouveaux comme Colbert qui lui seront fidèles jusqu’à la mort. Alors que les observateurs de 1661 supposaient que le roi allait se lasser très vite des « Affaires courantes », il n’en est rien : Louis XIV règne seul jusqu’à sa mort en 1715 : c’est l’apogée de l’absolutisme royal français. Cela désigne le gouvernement d’un seul et non un gouvernement sans limite ! Le roi ne peut pas remettre en cause les « lois fondamentales du royaume » comme la religion chrétienne par exemple (voir cet article).

Versailles : symbole du traumatisme louis-quatorzien

La participation de Louis XIV à la construction du château et de la ville de Versailles n’a échappé à personne, et ce dans le monde entier. Celui-ci a choisi de se construire une nouvelle capitale (Versailles le restera d’ailleurs jusqu’en 1789). Cependant, on ne creuse pas assez profondément les causes. On met souvent en avant une certaine forme de mégalomanie alors qu’en réalité, ce choix est parfaitement cohérent vis-à-vis de son histoire personnelle.

Louis XIV construction de Versailles
La ville de Versailles et ses trois avenues principales en « trident ». Ce choix d’urbanisme s’explique par une volonté de symétrie avec les jardins, situés de l’autre côté du château.

Le jeune roi, forcé de fuir Paris en pleine Fronde, a su trouver la solution ultime pour se prémunir des gesticulations populaires potentiellement dangereuses. Il se choisit une capitale en pleine forêt, un endroit qui lui plait particulièrement, mais à deux pas cependant de l’ancienne capitale parisienne (pour des raisons de logistique). Ainsi naquit la ville de Versailles, qui se développe dans l’ombre du château royal en construction pendant toute la fin du XVIIème siècle entre 1662 et 1710.
Symbole du génie louis-quatorzien, le roi va faire de ce projet de nouvelle capitale, une véritable machinerie à broyer la fierté des grands nobles du royaume. Avec la création d’une « étiquette » très stricte, Louis se donne en spectacle tout au long de la journée du roi. Chaque courtisan (le terme s’affirme à cette époque), du plus puissant au plus minime, tente de s’assurer une place au soleil (sans mauvais jeu de mot).
Roi-Soleil parvient ainsi à aveugler toute une noblesse qui épuise son temps et sa fortune pour lui plaire. Alors que les nobles français étaient habitués à vivre dans leurs provinces, ils vivent de plus en plus à Versailles. Et comme les constructions sont longues et que les logements au château sont très inconfortables, chaque noble qui veut briller vide ses économies pour se faire construire un hôtel particulier à l’Est du château et des jardins : entre 1661 et 1715, la population de la ville passe d’un petit millier d’habitants à plus de 25 000 habitants !

Louis XIV : un destin profilé pour le cinéma

Son règne sera le plus long de l’Histoire de France (plus de 72 ans !) bien que Louis XIV souffrit de maladies pendant toute sa chienne de vie (cf la fistule anale du roi). Ses généraux ont aussi la bonne idée de gagner des batailles, et ce jusqu’en 1685 ! C’est à cette date que le statut de « royaume le plus puissant d’Europe » s’impose. Louis n’a pas de limites et cherche ainsi à développer sa puissance outre-Atlantique. Ainsi, la langue française se fixe comme langue diplomatique par excellence jusqu’au début du XXème siècle.

galerie des glaces Versailles
La Galerie des Glaces a été couverte de miroirs fabriqués en France : ce fut une demande express de Colbert qui avait créé une manufacture spéciale pour l’occasion (qui deviendra plus tard Saint-Gobain). Le Made in France était déjà à la mode !

La culture française est à son apogée au XVIème siècle et Louis XIV y a personnellement participé en créant des académies artistiques qui stimulent intensément la création culturelle française. Alors que les rois de France étaient habitués à « importer » des artistes italiens (comme François Ier et L. de Vinci), l’hexagone supplante désormais l’Italie et devient le centre culturel de l’Europe. La Galerie des Glaces [5] – construite pour magnifier le roi et ses victoires militaires – symbolise parfaitement cette puissance artistique du royaume capétien.

Château comme Versailles
Toute l’Europe cherchera à imiter le modèle de Versailles (et pas seulement l’architecture mais aussi le centralisme et l’absolutisme royal) comme ici au magnifique château de Schönbrunn, à Vienne.

Cependant, il faut bien se garder d’avoir une image trop idyllique du Roi-Soleil. Contrairement à Saint Louis – qui en 1270 meurt en pleine gloire christique – Louis XIV et ses 20 millions de sujets vont entrer dans une période difficile à partir de 1685.Pendant trente longues années, Louis XIV enchaine les échecs politiques (persécution et fuite de milliers de riches protestants) mais aussi militaires (invasion du Nord de la France en 1708).
Enfin, le « grand hiver » de 1708-1709 symbolise une fin de règne sur les rotules pour Louis XIV qui souffrait depuis longtemps dans sa chair et voit maintenant son peuple mourir de faim. Ainsi, le roi Louis XIV a bien vécu un « destin à la hollywoodienne » : malmené pendant sa jeunesse, il trouve les ressources pour devenir le souverain le plus puissant de son époque. Cependant, sa fin de règne est proche d’être une catastrophe…
Au printemps 1709, le royaume est en effet à deux doigts de la rupture. Le peuple meurt de faim et les armées ennemies envahissent le Nord de la France. Le Roi-Soleil, conscient qu’un point de rupture a été atteint, rédige une lettre très célèbre où il demande aux Français de garder courage en ces temps difficiles. Finalement, la reprise de Douai par les Français en 1713 va sauver le royaume d’une invasion plus profonde. En 1715, le Roi-Soleil s’éteint dans les souffrances de la gangrène : la légende veut que son cortège funèbre ait été hué par certains passants sur le chemin entre Versailles et Saint-Denis : la puissance royale est en danger…

Jeunesse à la dure : prospérité future ?

Même si l’Histoire n’a rien d’une science dure. Cependant, le célèbre adage « l’Histoire se répète » est souvent judicieux. Tout comme Perceval, élevé à la dure par Merlin pour en faire le parfait preux chevalier, les rois de France semblent forgés du même métal. Une jeunesse difficile rend les rois plus prudents mais aussi plus ambitieux : craignant sans cesse pour leur vie, ils cherchent à tout prix à agrandir leur pouvoir comme le roi Louis XI – dit l’Araignée – totalement paranoïaque mais réussissant à agrandir son domaine royal avec un pragmatisme froid.
Henri IV peut être classé dans la même catégorie. Roi à un âge très tardif – il a 36 ans en 1589 – et dans un contexte national terrible – les guerres de religion – il a dû croiser le fer jusqu’en 1598 contre ses propres vassaux. Grâce à son conversion au catholicisme en 1593 (car il était protestant), il réduit nettement ses ennemis et gagne finalement la guerre. En 1598, l’Edit de Nantes va instaurer la paix religieuse en France et son règne commence ainsi réellement. On peut ainsi dire qu’Henri IV a connu une « jeunesse difficile » et celle-ci a duré jusqu’en 1598 (à 45 ans).
Le roi Henri IV a lui aussi su se construire une image positive à base d’Edit de Nantes, de poule-au-pot et de maîtresses variées. Pourtant, tout partait mal pour lui qui était protestant jusqu’en 1593 (soit 4 ans après la prise de pouvoir). Avant cela, il avait frôlé la mort comme lors du massacre de la Saint Barthélémy en 1672 (il fait partie des rares protestants à s’en tirer à Paris). (à 45 ans donc…) avec l’Edit de Nantes qui met fin aux guerres de religion en France.

Henri IV poule au pot
Poule au pot, poules au lit, le Vert-galant s’est créé une légende dorée en une décennie à peine. Il est assassiné en 1610 par Ravaillac (seulement 12 ans après sa victoire) : les Parisiens pleurent sa mort à chaudes larmes (de crocodile ?)

Ainsi, à travers l’exemple des rois de France et son paradoxe de la jeunesse, il sera de bon ton aux jeunes parents de se poser la bonne question :

« Faut-il abandonner son fils dans la forêt ou élever sa fille comme une servile Cendrillon pour que son enfant ne finisse pas affalé sur son canapé-trône d’enfant-Roi, un casque de réalité augmentée sur ses yeux aveuglés ? »

Notes :
[1] Pour rendre à Louis ce qui est à Louis, il est à noter que le roi qui fut le plus dissipé à Versailles fut Louis XV (arrière-petit-fils et successeur de Louis XIV). Celui-ci participait à des orgies que lui préparait sa célèbre maîtresse, la Pompadour !
[2] Le prénom complet du roi est bien « Louis-Dieudonné » qui est surnommé « l’enfant du miracle ». Cela est dû aux problèmes de couple entre le roi Louis XIII (père de Louis XIV) et Anne d’Autriche. Louis XIII préfère la compagnie de « favoris » et il fallut attendre 23 ans de mariage pour qu’un héritier naisse enfin…
[3] Chaque époque a connu des héros méconnus comme E. Philippe de nos jours, éclipsé par son souverain local.
[4] André Le Notre est le principal personnage à remercier pour la beauté des jardins de Versailles. Cet espace, très touristique aujourd’hui, a été le 1er à être aménagé à Versailles (bien avant la construction des ailes du château). Dès 1664, une grande fête des « plaisirs de l’isle enchantée » (lien) s’y déroule dans un Versailles au début des travaux… Des décors « en carton plate » sont construits pour donner l’illusion d’un grand château alors que seuls les jardins sont correctement aménagés.
[5] Comme je ne taris pas d’anecdotes sur Versailles, on peut ajouter qu’avant la construction de la Galerie des Glaces (terminée en 1684), la chambre du roi et de la reine ne communiquait pas directement ! En effet, construite au premier étage du corps central du château, elle remplace une terrasse qui reliait les deux chambres royales. On comprend peut-être mieux que le jeune Louis eût pu préférer la visite d’une maîtresse plutôt que d’affronter le froid pour rejoindre la reine dans sa chambre, situé au bout d’une terrasse de quelques 70 mètres !