Vainqueur de la « grande guerre », l’armée française est auréolée d’une gloire infinie pendant l’entre-deux-guerres (1918-1939). On la considère même comme la meilleure armée du monde (classement aussi sérieux que celui de la « personnalité préférée des français ») ! Généralissime de toutes les forces alliées en 1918, le maréchal Foch [1] incarne le courage et le génie militaire français dans une époque où nombreux souhaitent avoir vécu la « der des ders ». Un triste chant du cygne pour notre nation…
Le 10 mai 1940, tout s’écroule comme un château de cartes : la France est prise à revers par une offensive massive dans les Ardennes. L’État-major français, assuré de sa supériorité, a conservé les réflexes de 1918 alors que la guerre moderne est en train de naître. Maurice Gamelin, généralissime des Forces armées françaises, a tout misé tout sur l’infanterie et pense que la France est protégée derrière la célèbre ligne Maginot. À l’inverse, elle est vulnérable aux attaques combinées des chars et avions allemands, testés en Espagne et en Pologne.
Par A. Baux
Au fil de notre propos, nous ne tenterons pas de redorer le blason de l’État-major français : honte à ces fossoyeurs de la nation (!). À l’inverse, nous allons rappeler que l’ « esprit français », nullement racial mais né de l’alliage des meilleurs autour d’un idéal, n’est pas mort pendant la Seconde Guerre mondiale et que nos compatriotes peuvent regarder le passé sans peur et sans reproche. Non ! Nos aïeux n’étaient pas des couards (enfin pas tous, et puis merde, je voudrais bien vous y voir sous les bombardements des stukas et le feu nourri des panzers) !
Les combats de Saumur en juin 1940
Trois exemples viendront alimenter notre propos et chaque exemple fera l’objet d’un article.
Pendant cet article, nous parlerons du courage des cadets de Saumur pendant la débâcle.
Dans un second, nous parlerons des « FFL » de De Gaulle qui luttèrent à Bir Hakeim pour redresser l’image de la nation.
Enfin, le dernier article portera sur un coup d’éclat de la résistance jurassienne, le 11 novembre 1943, symbole d’un panache français retrouvé.
La débâcle du printemps 1940
10 mai 1940. La foudre s’abat sur l’hexagone. Une attaque massive est lancée par Hitler vers l’ouest : les Pays-Bas (neutres), la Belgique (neutre !) et la France (attentiste !) vont tomber les uns à la suite des autres. Lorsque l’État-major français apprend que des milliers d’Allemands ont percé la frontière à Sedan, la panique est totale : les armées françaises sont parfaitement alignées sur la ligne Maginot ou étaient parties la fleur au fusil vers la Belgique. La chute est vertigineuse.
À coups de panzers et de Stukas, la France subit une leçon magistrale de guerre moderne : en six semaines, 2 millions de soldats français sont faits prisonniers et les pertes sont vertigineuses. Une grande partie du territoire a connu un épisode de panique collective, plus communément appelé le « grand exode ». Des millions de Français, accompagnés par des Belges ou Néerlandais, fuient l’avancée allemande en pensant trouver un refuge au Sud. Les stukas ne se privent pas d’un repas aussi facile : les immenses colonnes de civils et de militaires débandés sont régulièrement visées par des raids aériens : c’est la stratégie de la terreur.
L’héroïsme français n’est pas mort en juin 1940
Les Français sont pris dans une tempête qui balaie tout sur son passage et beaucoup perdent confiance, beaucoup ne pensent qu’à l’abdication (Pétain est l’un des premiers à prôner la capitulation). Et pourtant ! Certains n’ont pas perdu tout espoir, d’autres l’ont perdu mais veulent préserver l’honneur de la patrie et de son armée. Des soldats s’organisent en guérillas dans les villes alors que des milliers sont livrées sans défense.
Alors que la grande majorité des maires fuient leurs postes, une poignée reste pour soutenir leurs derniers administrés. Des centaines de héros anonymes ont été autant d’éclairs dans la nuit pour que la France ne perde pas totalement son chemin dans la forêt des nations. Comme symbole de tous ses héros de la France avant l’heure, nous parlerons des « Cadets de Saumur ».
L’École de cavalerie de Saumur (Maine-et-Loire) était une école réputée qui formait des milliers d’officiers. Avant la guerre, elle était déjà la fierté de l’armée française.
L’attaque des nazis sur Saumur
Le 15 juin 1940, en pleine débandade face aux nazis, l’École reçoit un ordre de retraite mais le colonel Michon refuse de suivre l’ordre. Alors que toute l’armée fuit au Sud de la Loire, abandonnant les villes, les ponts et leur fierté, près de 2 500 hommes (souvent très jeunes) vont organiser la défense de quatre ponts en dispersant leurs troupes sur un front improvisé. Lorsque Pétain, la 17 juin, appelle la nation à arrêter les combats, les cadets de Saumur n’en font rien, bien que très faiblement équipés, tiennent leurs positions.
Le 19 juin, alors que toute résistance française semblait anéantie, deux divisions allemandes tentent de forcer les ponts tenus par les cadets. Pendant deux jours entiers, 2 500 Français tiennent tête à 40 000 Allemands. Une contre-offensive a même été tentée… Le 20 juin, des renforts allemands parviennent enfin à enrayer une résistance héroïque mais vaine : près de 250 français sont tués ou blessés et 218 sont faits prisonniers alors que de nombreux arrivent à s’enfuir.
Dénouement pour les Cadets de Saumur
Le général allemand Feldt accorde aux jeunes prisonniers le statut de « cadets », ce qui leur permet d’éviter le peloton. Mieux, ceux-ci sont relâchés, fait très rare du côté nazi. L’admiration allemande va même aller plus loin : on leur rend même les honneurs militaires, preuve que leur bravoure des cadets a été remarquée, même par leurs ennemis jurés. Ainsi, l’armée française n’est pas morte en 1940 et l’image négative que l’on en a gardé aujourd’hui est quelque peu exagérée.
Il est donc injuste d’essentialiser une couardise française absolue. Les Étasuniens plaisantent souvent sur notre armée, qui n’aurait jamais gagné une guerre selon eux, et prétendent que la paix aurait été signée pour sauver les bâtiments historiques de notre chère capitale. Infamie ! Calomnie ! L’Histoire de notre pays est remplie de gloire et de courage et il est risible de recevoir les moqueries d’un peuple qui n’existe que depuis quelques décennies et qui s’est forgé sur le massacre de peuples indigènes, sur son continent, ou sur celui des autres ! Bon, d’un autre côté c’est vrai qu’ils ont eu le bon goût de débarquer en juin 1944 (c’est George Washington qui aurait été fier !).
Ce récit laisse cependant un goût aigre-doux en fond de la gorge. D’un côté, on se laisse bercer par le récit héroïque des cadets, qui jure avec tous les récits habituels sur la couardise de nos aïeux. À l’inverse, le succès de la résistance d’une poignée d’hommes face à la masse allemande fait grincer des dents. La France aurait-elle perdue si vite si une tactique de guérilla avait été massivement utilisée comme l’envahisseur ? Et même si la défaite n’avait pas pu être empêchée, la résistance massive aurait peut-être assoupli les termes du traité de paix avec Hitler [2].
Attention ! Il existe une suite à cet article !
Notes :
[1] Le grade de maréchal est honorifique. Le général Foch a reçu ce titre en France, peu avant la fin de la guerre de 14 (en août 1918). Il est intéressant de noter que Foch a aussi été fait maréchal par le Royaume-Uni (en 1919) et par la Pologne (en 1923). Une preuve certaine de l’importance de l’armée française pendant la 1ère guerre mondiale.
[2] Même si beaucoup d’observateurs expliquent que le traité de juin 1940 est plutôt tendre envers la France, ces propos sont à nuancer. Voilà ce qu’en pensait un sénateur ayant vécu la guerre : « Je ne vois pas comment un ennemi pourrait demander plus », Jacques BRADOUX, le 23 juin 1940.